Par Victor Marchandise, 12ème
Alors que la Coupe du monde au Qatar bat son plein, prenons un moment pour revenir sur les soupçons de corruption qui ont vivement entachés l’intégrité de cette organisation tentaculaire qu’est la FIFA. Cette fédération organise l’événement sportif le plus connu et le plus suivi à travers le monde avec les jeux olympiques. La coupe du monde réunit ainsi des millions de personnes devant leur télévision et c’est sans doute pour cela qu’elle est si puissante. En réunissant pas moins de 211 fédérations de football, la FIFA est une organisation transnationale ayant une influence mondiale.
Pour comprendre cette affaire, il faut se pencher sur le parcours de plusieurs personnages importants qui ont tiré profit de cette organisation. Parmi ceux-ci, l’incontournable Sepp Blatter qui restera au commande de la FIFA pendant 17 ans (de 1998 à 2015), le temps pour lui de faire perdurer le système de corruption habilement mis en place par son prédécesseur João Havelange. Certains proches et amis de Sepp Blatter révèlent qu’il n’était pas obsédé par l’argent, mais bien par le pouvoir. Il a donc mis en place un système où il est très facile d’obtenir ce qu’on veut, tant qu’on paye.
Intéressons nous d’abord à Jack Warner, vice-président de la FIFA pendant de nombreuses années et président de la CONCACAF (Confédération d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes) pendant 21 ans. Cet homme influent, aux nombreuses relations, a été très actif au sein de ce système. Il y avait toujours quelque chose à gagner lorsqu’on parlait avec lui.
Lors du fameux tremblement de terre d’Haïti en 2010, la FIFA verse 670 000 euros à Jack Warner (responsable de cette zone là) pour qu’il vienne en aide aux victimes. Il aurait empoché 615 000 euros et n’aurait versé que 55 000 euros à Haïti. Une autre affaire révèle que la FIFA a versé 24 millions d’euros pour construire un centre multisport à Trinité et Tobago alors que cet établissement appartenait en fait à Jack Warner qui empocha une partie de l’argent sur son compte personnel. Toutes ces affaires montrent que Jack Warner a donc largement profité du système de Blatter. Plus tard, le nom de Jack Warner apparaitra dans une affaire d’achat de vote, dénoncé par un certain Chuck Blazer, l’autre personnage clé de cette affaire. Jack Warner est maintenant suspendu à vie de la FIFA.
Chuck Blazer, qui est surnommé “monsieur 10%”, était secrétaire général de la CONCACAF entre 1990 et 2011 et membre du comité exécutif de la FIFA entre 1997 et 2013. Il tient ce surnom du fait qu’il avait pour habitude de réclamer 10% de chaque rentrée d’argent de la confédération. Chuck Blazer vivait à l’époque dans la Trump Tower aux frais de la CONCACAF (loyer aux alentours des 16 000 euros par mois) et faisait partie des personnages les plus proches de Sepp Blatter. Il s’est révélé particulièrement doué pour faire gagner de l’argent à la FIFA. Attaqué pour évasion fiscale, Chuck Blazer est arrêté par le FBI et passe un accord avec les enquêteurs : preuves de corruption au cœur de la FIFA et informations en échange d’un traitement de faveur. Il devient donc la taupe de la FIFA et c’est lui qui permettra à la justice américaine d’arrêter 14 représentants de la FIFA le 27 mai 2015, dont 7 de ces représentants furent arrêtés en Suisse. D’après la justice américaine, pas moins de 200 millions de dollars auraient été détournés pour intérêts personnels.
Selon beaucoup de témoins qui travaillent au sein de la FIFA, les trois dernières Coupe du monde qui ont eu lieu (Brésil, Russie et Qatar) auraient été attribuées grâce à la corruption et notamment grâce à l’achat de votes. Un témoin a révélé avoir assisté à l’achat de trois votes. Le responsable de la candidature du Qatar pour la coupe du monde 2022 aurait donné des pots de vins de 1 à 1,5 millions de dollars à trois membres du comité exécutif pour obtenir leurs votes (seuls les membres du comité exécutif votaient). Cependant, ces faits n’ont pas encore été prouvés et beaucoup de témoins regrettent aujourd’hui d’avoir parlé puisqu’ils sont menacés et sous protection policière.
Enfin, penchons nous sur le cas de Sepp Blatter, le personnage central de cette affaire.
Pour obtenir et garder le pouvoir, Blatter met en place un système astucieux pour se faire réélire. Puisque tous les membres de la FIFA ont le même poids en termes de vote, peu importe la taille du pays, le continent auquel il appartient ou sa culture footballistique, Blatter fait en sorte d’avoir une bonne réputation dans tous les petits pays et îles comme Tahiti ou dans les Caraïbes afin d’obtenir leurs votes. Pour cela, la FIFA de Blatter envoie de l’argent à tous ces petits pays sans préciser les projets dans lesquels ils devaient investir. Ce système a ainsi permis aux dirigeants de ces petits pays de s’enrichir personnellement. Ils votaient donc pour Blatter afin de faire perdurer ce système hautement profitable.
Sepp Blatter a dû démissionner en 2015, poussé vers la sortie par Michel Platini qui rêve de lui succéder. Il n’en sera finalement rien puisque ce dernier sera lui aussi accusé d’escroquerie ; c’est Gianni Infantino qui lui succédera.
A la lumière de ces faits, il est triste de constater qu’une telle organisation, à la base dédiée à un sport qui fait rêver dans le monde entier, repose sur un système corrompu dont les seuls bénéficiaires sont ceux qui en détiennent le pouvoir.