De Victor Marchandise, année 12:
Jeudi 22 septembre dernier, dans la salle feutrée de l’Auditorium, nous avons fait la découverte d’un documentaire poignant sur Kenneth Reams, un homme dans le couloir de la mort aux États-Unis suivi par une discussion avec la réalisatrice, Anne-Frédérique Widmann et Kenneth Reams lui-même en liaison téléphonique depuis sa prison. Retour sur une soirée que nous ne sommes pas prêts d’oublier.
Depuis 29 ans, Kenneth Reams est détenu en isolement carcéral dans une prison de l’Arkansas aux Etats-Unis. Condamné à mort suite au braquage d’un guichet automatique de banque qui a mal tourné et qui s’est soldé par la mort d’un homme, Kenneth reste dans l’attente d’un verdict qui s’éternise. Mais Kenneth Reams n’avait pas l’arme en main ; c’est son ami Alford Goodwin qui a tiré et cela contre la volonté de Kenneth Reams. Victime d’un procès inéquitable (son avocat n’a même pas demandé à Alford de confirmer qu’il était bien le seul à avoir tiré) car représenté par un avocat commis d’office et à temps partiel, Kenneth Reams a été mis devant un dilemme : accepter la prison à perpétuité ou être condamné à mort. Convaincu de son innocence, il a fait le choix courageux de refuser la réclusion à vie.
Depuis ses 18 ans, Kenneth Reams est détenu dans une cellule de 2 mètres sur 3 (l’équivalent de la taille d’une salle de bain). Pour échapper aux murs de sa cellule qui le rongent intérieurement, il réalise des œuvres d’art. C’est d’ailleurs comme cela qu’il a «rencontré» Isabelle, une artiste française qu’il a épousé en 2017. Le mariage a eu lieu dans la prison, où les mariés ont pu se voir une dizaine de minutes avant de devoir se quitter.
Les peintures et les œuvres d’arts de Kenneth Reams ont connu un succès important : exposées dans plusieurs villes du monde dont Londres, elles ont voyagé le monde et proposent un regard intéressant sur le monde de Kenneth Reams, ses références et son vécu. Une exposition de ses œuvres a d’ailleurs lieu en ce moment au Centre des arts et durant tout le mois de septembre.
Après avoir regardé le film, nous avons discuté du film et posé des questions à Anne-Frédérique Widmann en attendant que Kenneth Reams appelle depuis sa prison. Il y avait une drôle d’ambiance dans la salle. Lorsque sa voix nous parvint, tout le monde se tut. Nous appréhendions tous la voix que nous avions si souvent entendue dans le film.
Pour ma part, j’ai ressenti quelque chose d’indescriptible lorsque j’ai entendu sa voix. Ce fut aussi le cas de plusieurs autres personnes avec qui j’ai brièvement discuté après l’événement. Je pense que cela est dû à l’impact du documentaire puis le fait de revenir si soudainement à la réalité en recevant cet appel. On réalise alors que ce qui se passe est vraiment réel ce qui provoque une hypersensibilité au présent.
Plusieurs élèves et professeurs ont ensuite eu l’occasion de poser des questions à Kenneth Reams. Voici les réponses de quelque-uns d’entre eux :
- « Quelles sont les choses de la vie quotidienne qui vous manquent le plus? »
De simples choses comme respirer de l’air frais, toucher quelqu’un, sentir l’odeur d’une orange ou marcher sur de l’herbe sont des choses auxquelles on ne pense pas mais qui nous manquent le plus lorsqu’on est enfermé, nous a-t-il répondu. Pour rappel, Kenneth Reams n’a le droit de passer qu’ une heure par jour à « l’extérieur » (il reste dans une sorte de cage où le sol est en béton).
- « Comment avez-vous affronté les regrets, la honte et la colère liés à cette injustice? »
Si Kenneth avoue avoir ressenti beaucoup de colère au départ, il s’est rendu compte que celle-ci allait le consumer et qu’il allait devenir fou. Il considère par contre qu’il a aujourd’hui largement assez été puni pour les actes qu’il a commis. Il nous a également avoué que le pire des sentiments qu’il avait ressenti était de la honte lorsque des visiteurs de la prison l’avaient pointé du doigt comme s’ il était un animal dans une cage.
- « Comment avez-vous fait pour ne pas abandonner votre combat en étant resté aussi longtemps en prison »
L’idée qu’il puisse un jour sortir de prison et voyager le monde avec sa femme Isabelle pour raconter son histoire le pousse à se battre pour sa liberté. Il est également déterminé à ouvrir un musée sur la peine de mort après être sorti de prison. Il nous a aussi confié qu’il dormait sans matelas, pour renforcer son désir de sortir de prison.
Les avocats de Kenneth Reams ont réussi à obtenir une annulation de la peine de mort de Kenneth Reams, mais n’ont pas obtenu un nouveau procès. Kenneth Reams est donc condamné à la réclusion à perpétuité. Il lui reste aujourd’hui deux ressorts : demander sa grâce au gouverneur de l’État d’Arkansas ou avoir recours à la Cour Suprême, en majorité conservatrice aujourd’hui, donc peu encline à le libérer.
Si vous souhaitez aider Kenneth Reams, ses œuvres exposées au centre des arts sont à vendre. La totalité des dons sera versée à Kenneth Reams ce qui lui permettra de payer ses avocats ou de financer d’autres expositions.
Vous pouvez aussi vous rendre sur le site suivant: https://freekennethreams.org/help