Par Zoé Adatte, 10ème
Zoé Adatte connaît très bien le théâtre Am Stram Gram et elle a eu l’occasion de participer à certains spectacles et au comité de lecture. Elle a souhaité rencontrer le nouveau directeur du théâtre pour en savoir plus sur ce métier. Voici leur entretien.
Le théâtre Am Stram Gram se trouve au 56 route de Frontenex, il a été fondé par Dominique Catton et Nathalie Nath. Am Stram Gram a été inauguré en 1992. Il comporte une galerie, des installations de divers artistes, un bar, une bibliothèque, une librairie, un jardin, 2 salles de spectacles et deux mandariniers. Le théâtre propose des spectacles et des cours pour tous les âges, il existe même des cours intergénérationnels.Vous y verrez en ce moment une exposition intitulée “Dans les pas de Corrina” à Am Stram Gram.
Zoé Adatte : Depuis quand travaillez-vous dans le milieu du théâtre ?
Joan Mompart : Je travaille dans le milieu du théâtre depuis les années 90.
ZA : Qu’est ce qui vous passionne dans ce métier et ses possibilités artistiques?
JM : Ce qui me passionne c’est que c’est une manière de comprendre le monde, l’être humain qui n’est pas toujours rationnel et qui fait appel à la poésie des auteurs, au corps, comprendre les choses parfois sans se les expliquer d’une manière rationnelle. Et c’est probablement ce qui me plaît le plus, c’est ce côté intuitif que peut avoir le théâtre.
ZA : D’où vient le nom Am Stram Gram et pourquoi l’avoir choisi ?
JM : Le fondateur, il l’avait choisi parce que c’est une comptine pour les enfants.”Am stram gram pic et pic et colégram…”Mais aussi parce que c’était A, comme ça il était le premier des théâtres dans l’ordre alphabétique.
ZA : As-tu une pièce de théâtre préférée ? (depuis cet instant, je tutoie le directeur qui me le propose)
JM : Ouais, ben c’est drôle parce que moi je serais plutôt dans un goût de la comédie. Mais parfois j’ai rencontré des textes à mettre en scène qui ont ce côté tragique, et qui m’ont beaucoup plu. Je dirais que les textes que j’aime le plus sont ceux que je ne comprends pas et que je peux comprendre soit en les incarnant, soit en les mettant en scène. Et ça m’est arrivé sur un texte de Douna Loup qui s’appelle “mon chien-dieu”.
ZA : Comment en es-tu venu à collaborer avec Am Stram Gram ?
JM : Ben j’avais une compagnie de musique en collaboration avec un chef d’orchestre et puis on avait fait un concert superbe sur l’histoire d’Andersen sur la Reine des neiges mais avant qu’il y ait Walt Disney qui s’en empare et j’ai trouvé la musique tellement belle que je suis venu voir le directeur de l’époque ( Dominique Catton ) et je lui ai dit que j’aimerais bien faire une pièce de théâtre avec des actrices et des acteurs, l’orchestre et tout ça… J’étais assis, là au bureau et je lui ai proposé ça tout en étant au restaurant la première fois qu’on en a parlé. Il m’a emmené manger et puis, bon ben…voilà quoi, c’est ça.. C’était la reine des neiges. J’aimais bien parce que j’avais une fille, fin j’ai une fille.Et je voulais le faire pour elle aussi. Je trouvais que l’histoire était belle parce qu’ il y avait cette Reine des neiges qui en fait avait le cœur glaçé. Et les deux enfants dans l’histoire s’en sortent parce qu’ils étaient amis.
ZA : Et l’as-tu vu en version Disney ?
Ouais, je l’ai vu.
ZA : Quel est ton parcours professionnel et ta formation ?
JM : Alors moi, donc j’avais fait mes études. J’ai fait des cours de théâtre dans une école qui s’appelle Bigielman à Lausanne. Après j’ai eu une très belle rencontre avec Ahmed Madani qui est un metteur en scène parisien avec qui on avait fait un spectacle sur la famille au théâtre de Vidy. Et après j’ai voulu essayer plusieurs écoles mais en fait j’ai été engagé tout de suite dans une compagnie de théâtre.
ZA : Était- ce “Llum” ?
JM : Non, alors c’était “le Teatro Malandro” qui était basé à Genève à l’époque, avec Omar Porras. Et donc, après Gérard Gigolman qui était quand même mon formateur, Amhed Madani qui a aussi été important pour moi. J’ ai passé dix ans avec Omar Porras qui m’a aussi aidé à me former quoi.
ZA : Quelle place ta compagnie llum occupe en toi ?
JM: Ben, c’est déjà dans le nom qui est un nom qui veut dire lumière en catalan et en même temps fêlé. Et c’est une phrase d’Audiard “heureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière”. Donc elle a une grande place dans mon cœur parce que je crois que pour laisser passer la lumière, la lumière ou les lumières… comme on voudra. On a toujours besoin de déraisonner un peu. J’ai l’impression que l’être humain veut toujours se rassurer et être très rationnel. Moi des fois je veux me rassurer comme ça mais c’est pas la partie que je préfère de moi-même. J’aime bien quand on arrive à être un peu fou parce que justement ça permet la vie quoi.
ZA : Quel est ton projet pour Am Stram Gram ?
JM : Alors le projet est qu’aujourd’hui en arrivant à Am Stram Gram, la jeunesse c’est plus comme il y a dix ans. Aujourd’hui l’adolescence elle s’exprime dans la rue. Elle veut prendre son futur en main. Et j’ai l’impression que si on veut rester connecté en tant que théâtre à destination de la jeunesse, il faut faire déjà des spectacles qui fassent sens par rapport à cette adolescence mais pas forcément au point de vu de l’adulte mais aussi en invitant le regard de l’enfance et la jeunesse au sein même de la création. Et le projet peut se résumer dans un dialogue intergénérationnel par les arts dans une égalité générationnelle. Donc ça veut dire que qu’on ait 4, 14, 50, 70 ou 20 ans, notre parole à la même valeur devant l’art.
ZA : Comment décrirais-tu ta journée de travail ?
JM : Alors ! Il y a beaucoup de réunions. Beaucoup de rdv. Soit ici au théâtre, soit ailleurs. Parce qu’ un directeur ça doit se déplacer. Donc c’est beaucoup, beaucoup de rencontres. Très belles parfois. Voir beaucoup de spectacles. Être très accueillant pour les spectacles que je programme. Parce que ça veut dire que je programme des spectacles aussi qui viennent à Am Stram Gram.
ZA : Il y a-t- il une personne qui t’inspire pour le travail ?
JM : Oui. Mes enfants.
ZA : Que préfères-tu dans ton travail et que détestes- tu dans ton travail ?
JM : Ce que je préfère dans mon travail de directeur c’est le grand projet, ce partenariat avec l’enfance et la jeunesse. Ça, ça me motive beaucoup. J’aime bien faire de l’artistique aussi. Je n’aime pas toute la partie administrative. Ce que je n’aime pas dans mon travail c’est que mes journées ne fassent pas 48 heures.
ZA : Es ce que tu as une citation pour te motiver à travailler ?
JM : Go ! go ! go !
ZA : Quelle est l’ambiance quotidienne dans le théâtre ?
JM : Bah, elle est bonne. Il y a un bon climat. J’ai senti après le covid une ambiance un peu triste et tendue et là je sens qu’ils vont mieux.
ZA : Es-ce que tu as des anecdotes sur ton travail ?
JM : Ben.. non. Enfin, il y a une anecdote. C’est quand j’ai joué pour la première fois dans ce théâtre. C’était en 2003 et je posais trois fois la question au public d’enfants sur ce que j’allais faire. Et à présent, qu’est-ce que je vais faire 1x. Et à présent qu’est que je vais faire 2x. Et à présent que je vais faire. Et ils ont tous répondu. Ça m’a étonné par ce que je n’avais jamais vu ça.
ZA : Mais ils avaient répondu quoi ?
JM : Suicide-toi, prends le livre.. Des trucs comme ça.
ZA : Quel est ton lien avec le public ?
JM : Ben, il m’attendrit le public parce que c’est quand même des gens qui font l’effort de venir au théâtre et je trouve ça complètement fou. Voilà, je trouve ça génial. Moi c’est mon métier mais moi je ne sais pas ce que c’est d’être de l’autre côté. Enfin, j’ai jamais su quoi. Mais c’est vrai que la rencontre avec une pièce de théâtre c’est très fort.
ZA : Comment choisis-tu les spectacles que tu souhaites programmer ?
JM : Ok, ben je choisis qu’il y ait des gens sur scène déjà. Des vrais présences. Ça veut dire des acteurs ou des actrices qu’on a l’impression de rencontrer. Des fois il y a des spectacles où c’est un peu caché. La personne est un peu cachée. Des spectacles qui révèlent les personnes. Parce que quand une personne se révèle sur scène, elle révèle ceux dans la salle.