Shiraz Rimer, Année 12
Il y a quelques jours, j’ai eu la chance de rencontrer Yasmine Hamdan. C’est une chanteuse libanaise, icône de la musique underground arabe. Avant son concert au Centre des Arts de l’Ecolint, je la retrouve pour lui poser quelques questions.
Où est-ce que vous avez grandi?
Je suis née pendant la guerre civile au Liban. J’ai passé mes premières années dans un désert dans les Emirats Arabes qui s’appelle El Eyn ce qui veut dire “l’oeil”. Nous sommes ensuite retourné à Beirut, après on est parti à Abu Dhabi, en Grèce, au Koweït et finalement de retour au Liban- tout ça tout le long de mon enfance. Je me retrouvais pratiquement tous les deux/trois ans dans un nouveau pays, dans une nouvelle école avec de nouveaux amis. Je m’adaptais sans trop me poser de questions. C’est seulement maintenant que je réalise que j’ai eu une enfance assez mouvementée. Mais bon, ça m’a permis de rester libre car je n’avais pas vraiment de cadre rigide.
L’école pour vous c’était comment?
J’étais dans des Lycées français. J’ai eu une éducation francophone. Ça a été un peu le Leitmotiv de mon enfance.
Quelle était la place de la musique dans votre vie d’adolescente?
Je ne savais pas que je voulais être musicienne. Cependant j’ai été profondément marquée par certaines chansons et je me suis rendu compte assez vite que la musique provoquait beaucoup d’émotions et de sensations physiques chez moi. J’ai vite compris que j’avais vraiment beaucoup d’amour pour la musique. Il y avait même quelques chansons qui faisaient battre mon coeur. La musique me nourrissait, m’inspirait. Ce n’est que bien plus tard que je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire. Les artistes et les musiciens m’attiraient de plus en plus. J’ai eu envie de faire un choix professionnel qui me passionnait vraiment. Il n’était pas question que je poursuive une carrière qui n’étais pas une passion. Je savais que je voulais faire quelque chose que j’aimais vraiment.
Alors, j’ai commencé à chanter, à peu près, 10 ans après la fin de la guerre civile du Liban. Il y avait un vrai manque de structure pour les musiciens, il y avait peu d’opportunités et je savais que ça serait dur. Mais malgré les difficultés, je savais que c’était ce que je voulais faire. J’ai commencé à faire des concerts avec mon groupe de l’époque: Soapkills. C’était avant les réseaux sociaux, mais on a rapidement commencé à avoir un public. Tout cela s’est fait de manière très organique et spontanée, et assez underground et alternative. Il y avait vraiment une forme de liberté et de simplicité, c’était dur mais très libre. Je ne me demandais pas combien de vues j’allais avoir sur Youtube, je voulais juste m’améliorer et développer ma musique. A mon avis, ma musique me ressemble : elle est moderne et elle a des identitées plurielles. Je veux créer quelque chose qui est vraiment à moi.
Est-ce que vous jouez des instruments?
Je jouais à la guitare. J’ai même composé à la guitare. Mais je n’ai pas vraiment poussé mon instrument parce que je voulais travailler ma voix. Quand j’ai commencé à chanter, je ne savais pas chanter l’arabe, je chantais en anglais, c’était plus simple. L’arabe, c’est très codé. Il fallait que j’apprenne, tout en restant autodidacte. J’essayais de trouver ma voix, mon timbre, mon placement, les paroles, de trouver ma place. Ce n’était pas seulement un travail de musique, c’était aussi un travail intellectuelle. Ce que j’ai voulu apprendre très rapidement c’est d’être indépendante, de pouvoir m’enregistrer et de savoir utiliser les programmes de musique. Grâce à ça, je peux créer, développer des idées et ensuite les faire jouer par des musiciens.
Qu’est ce que vous auriez fait si vous n’étiez pas devenue chanteuse?
Honnêtement, je sais pas et je me pose souvent la question. J’ai fait des études de psychologie parce que c’est un domaine qui m’intéressait. Quand on fait de l’art, il y a quand même une dimension humaine et abstraite. L’émotion c’est quelque chose d’abstrait. J’ai voulu, à travers mes études de psychologie, me comprendre moi même. Quand j’écris mes chansons, il y a toute une histoire, une psychologie derrière, qui m’aide à créer.
Qu’est ce que vous écoutez comme musique?
J’écoute de tout, mais beaucoup de musique anciennes et classiques arabes. J’ai aussi eu une période très rock, notamment le rock psychédélique des années 70. Ensuite, j’ai été à fond dans le reggae et l’électro pop. J’aime beaucoup Radiohead, Portishead ou les grandes voix comme PJ Harvey, Nina Simone, Chet Baker. J’écoute aussi pas mal de musique qui vient d’ailleurs – je n’ai pas besoin de comprendre les paroles. Ce sont les sensations que je recherche. En ce moment j’adore la musique éthiopienne, la musique du Yémen des années 70, la musique soudanaise aussi des années 70, j’aime voyager dans le temps.